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Vers le ciel, ils tendaient leurs membres, leurs branches pour percevoir,
prospérer, pour donner et pour exister.
C’est la définition même de l’amour parfait, sans condition, où seule compte
l’harmonie dans le but de plaire et de se parfaire.
Pour éviter le trop plein, la multitude, la faim, l’étouffement, le dépérissement, la
dégénérescence, chaque espèce créa son propre prédateur afin d’assurer l’avenir
et l’espérance.
Avenir de l’espèce, mais surtout avenir de la continuité car il fallait se
transformer.
Peu à peu, des larves, des vers, des serpents, des poissons, des mollusques, des
crabes, des insectes, des papillons s’interpénétrèrent, issus les uns des autres.
Seule la forme changeait mais l’origine était la même la Pierre et l’Eau.
On vit naître ainsi des animaux de toutes formes ; des grands, des petits, des
gros et des maigres, mais toujours issus du même sang.
D’ère en ère, de cataclysme en cataclysme, de climat en climat, de cétacés en
cétacés, de singe en hominien, tout avait une origine commune, l’information
venant d’un point, Pierre angulaire, assise, scellée d’Orient en Occident.
Quatre milliards d’années de vie se sont écoulées et tout a été indispensable :
l’eau, le feu, l’air, le vent, les poissons, les mammifères, les oiseaux.
Les hominiens étaient l’aboutissement de cette chaîne de vie. Ils n’avaient ni
carapace, ni griffes, ni crocs, ils ne couraient pas vite, ils ne sautaient pas haut.
Et parfois, lorsqu’ils n’avaient pas de nourriture, ils se mangeaient entre eux,
toujours avec une inconscience animale, toujours en jouant comme le chat joue
avec la souris et finit par la manger. Pour calmer leur faim, ils pouvaient tuer
père, mère ou compagnons de jeu, se délectant sans remord puisque tout se
passait dans le paradis de l’inconscience.
Au commencement de la Pâque du cycle, l’hominien émergea de ce paradis. Un
seul fut élu, comprit son état et se vit tel qu’il était.
Quand la conscience émergea, il se vit déjà adulte, sauvage, anthropophage,
cruel, charognard, méchant, indifférent au bien et au mal.
Longtemps il a marché, instruit, engendré pour que la parole et la mémoire
restent en ses descendants et que la prise de conscience ait lieu.
Il avait accès à tout : au Ciel, à la Terre, au vent, aux éléments.
Homme-dieu, il savait que son travail serait accompli mais avec beaucoup de
souffrances et d’injustices, de malheurs et de cruautés ; qu’il fallait tout cela
pour permettre à l’homme de justifier son ambition et sa veulerie.
Il savait que par vantardise, l’homme ferait ce qu’il n’aurait pas fait par peur, que
le profit et la possession seraient son amour, que la ruse l’emporterait sur la
raison, le malin sur le sincère. Plus tard, la duperie serait à son apogée, la
dignité condamnée, la diplomatie et l’artifice à l’honneur, au détriment de la
morale et de la vérité.
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